Bases de l'analyse boursière comportementale
par Peter Greenfinch
2. Pourquoi y-a-t-il
des tendances boursières ?
[ch.1]
|
Observez un graphique d'évolution des cours de bourse. Ce qui saute aux yeux
...c'est que ça gigote beaucoup. Comme on dit, c'est "volatil".Maintenant regardez le tableau d'un peu loin, visionnez le paysage plutôt que le fouillis
des coups de pinceau.Là vous voyez que les cours vont souvent dans une direction précise. Au bout d'un
certain temps, ils ont monté, baissé ou stagné (pas très original, je sais).=> Surtout vous vous apercevez que, s'ils gigotent, c'est souvent sans s'écarter
d'une sorte de route qu'on peut souvent délimiter en traçant
deux droites à peu près parallèles.Selon que cette route monte, baisse ou reste horizontale, on l'appelle un canal
haussier, baissier ou horizontal (neutre).Attention quand même à ne pas tomber dans le piège d'une trop forte confiance
en l'analyse graphique, dite aussi analyse technique, nous en reparlons plus loin.Certains de ces canaux peuvent être imaginaires, relevant d'une "représentation
heuristique" un travers mental qui voit des figures partout.Un peu comme dans ces magazines pour enfants où, en reliant les points numérotés,
on dessine une vache ou une auto.Des ondulations, tracées par les simples hasards du marché, peuvent donner
l'impression d'obéir à un certain ordre,.De temps en temps, se dessine (ou semble se dessiner, toujours la même réserve) un
changement de direction, une nouvelle route, souvent en sens opposé de la précédente.Semblent alterner ainsi des périodes de plusieurs mois ou années de hausse,
baisse ou stagnation.
Les tendances voire ces "cycles" de tendances, ce sont ces grandes marées, dont
la puissance, durée, vitesse et direction s'appellent le momentum.
|
Ce qui vient d'abord à l'esprit c'est que ces longues ondulations, accompagnent des
"cycles" économiques, ou de taux d'intérêt.Parfois c'est vrai, mais pas toujours, et même là avec du retard ou de l'avance.
D'ailleurs pourquoi les accompagneraient-elles ?Chacun sait que l'économie est alternativement bonne ou mauvaise et que tout cela
devrait se compenser à terme.Donc les cours devraient se caler sur les perspectives moyennes, non ?
Bon, je vous l'accorde, pour une entreprise donnée, dans un environnement mouvant,
les infos qui changent les perspectives sont assez fréquentes.N'empêche que les cours ne devraient bouger qu'en cas de bonne / mauvaise nouvelle
totalement inattendue, le scoop qui modifie manifestementl'avenir de l'entreprise. Alors, les cours devraient s'ajuster d'un coup, et basta.
Si les informations suivantes vont dans le même sens, ben, c'est pas nouveau,
on pouvait s'y attendre. Pourquoi diable les cours devraient-ils encore bouger ?D'ailleurs, encore plus surprenant, on voit que les cours varient, généralement pour
maintenir et prolonger la tendance, même en l'absence de nouvelle informations
décisives.
|
La réaction à l'information a un rôle crucial. Les investisseurs ont du mal à mâcher l
eur chewing gum et
analyser les infos en même temps. Ils manifestent, jouons les Sigmund :
Des à-peu-près "heuristiques". .Cela veut dire qu'ils analysent et décident à
partir d'un nombre trop étriqué d'éléments.L'heuristique est un outil pifométrique qu'on met au point soi-même à l'avance
pour agir rapidement quand survient un évènement. Avec des règles du genre"si la casserole me brûle la main, je la repose". En oubliant peut-être que le bébé
a mis sa menotte en dessous.
Des ancrages mentaux, ils gardent au tréfonds de leur matière grise quelques
points de référence, des faits souvent récents (mémoire courte) ou parfois plus
lointains.
Par exemple un cours de bourse antérieur qui les a marqué.
Des dissonances cognitives et dénis de réalités, autrement dit la tendance à
jouer les autruches en rejetant les nouveaux faits contraires à leur croyance / idées
préconçues.
Des habitudes, et même automatismes et réflexes conditionnés, du genre, "tous les
matins, je passe des ordres, même si je n'ai pas d'idées bien précises".
Des dénominateurs communs simplistes.
Sous l'effet du mimétisme (on en reparlera plus bas) le comportement social est
largement basé sur des conventions et paradigmes (idées en vogue) communs à tous.
Sous-réaction et surréaction : le piège le plus courant
pouvant expliquer les tendances
Tout cela conduit le marché boursier à une valse à quatre temps entre le début et la fin
d'une
tendance :
1. Un jour tombe du ciel une information qui tranche avec le passé. C'est souvent un
signal faible (fréquemment le cas pour les signaux précurseurs).Souvent, en bons "autruchiens", les investisseurs, conditionnés par le passé récent,
ne le voient pas, le négligent, en rigolent, ou le rejettent.Puisque peu de gens s'en servent pour changer de comportement, la tendance
antérieure se maintient (la "sur-réaction" précédente se prolonge, voir le pas de
danse n°4).2. Vient un moment où le signal, à force de se maintenir, ou de se renforcer par de
nouveaux signaux, est enfin perçu par les investisseurs. Ils daignent sortir leurs lunettes
et à commencer à ajuster, mais encore timidement, leurs références passées et leur
comportement.Sous ce modeste effet, la tendance commence à ralentir et avoir des hoquets, mais
juste un peu (sous-réaction)3. Au fur et à mesure que ces informations sont confirmées par d'autres allant
dans le même sens, les investisseurs ajustent mieux, et même parfois brutalement,
leurs références.Ils sont portés par la nouvelle ambiance. Ils jouent à fond la nouvelle tendance,
qui ainsi s'établit pour de bon. C'est la phase d'ajustement.4. Puis la tendance se prolonge et s'accentue, qu'il y ait ou non de nouvelles infos
de confirmations. La seule donnée qui intéresse les investisseurs, ce sont les cours,
dont l'évolution montre que la tendance boursière se prolonge.Crainte ou cupidité aidant (voir plus loin), cela les convainc qu'elle est justifiée et ..
.va encore se prolonger. Ils ajustent encore leurs références, cette fois excessivement
(sur-réaction).
Ils s'égarent dans des rationalisations, autrement dit s'inventent de bonnes
explications pour justifier que tout va continuer dans le même sens. Et ils remettent
du carburant sur le marché (de l'argent à la hausse, ou des titres à la baisse) et la
tendance accélère son mouvement.
Nous reparlons plus loin des distorsions et inefficiences que crée cette réflexivité
due
aux anticipations mimétiques rationnelles. A
priori, c'est une anomalie. En même temps,
ce n'en est pas une : il peut être fructueux
de suivre la tendance, sachant qu'on prend le
risque qu'un jour elle se renverse.
pour créer et entretenir les tendances |
![]() le dédain, la haine et bien d'autres passions (relire le théâtre classique, ou les faits divers) conditionnent l'action des investisseurs. |
Ces passions ne sont pas seulement individuelles.
Notre vieille amie de l'article précédent, la psychologie sociale, montre qu'elles sont
contagieuses.
Dans un groupe, et surtout dans une foule, les individus deviennent facilement de féroces ...
moutons (instinct de troupeau, mimétisme). Ils tendent à perdre leurs propres références,
partager les croyances communes, chauffer entre eux leur émotion collective, et agir tous
dans le même sens, quitte à se livrer à des excès. Le virus grégaire provoque :
Soit de douces indispositions, les modes boursières; eh oui, dans le prêt à
porter,tendance et mode sont synonymes.
Soit de vraies maladies (bulles et crashes), quand la contagion émotionnelle
va jusqu'à l'hystérie collective.
![]() apparente. |
![]() les anticipations mimétiques rationnelles et la réflexivité des marchés. On voit qu'un cercle vicieux (boucle de rétroaction positive, pour faire plus chic) se produit quand : |
Le résultat trop exagéré d'une action précédente (on a envoyé la balle hors du
terrain) :
au lieu de conduire à la réaction inverse (rétroaction négative = soustraction, la
fois suivante, on tire plus court) qui stabiliserait le système, ici le cours de bourse,
en le faisant gentiment osciller autour d'une moyenne,
au contraire entretient et exagère sa dérive (positif = addition, on tire encore plus
loin).
En bourse, il arrive que le changement de croyance se fasse attendre très longtemps
(formation d'une bulle à la hausse où à la baisse). Jusqu'à ce que la pression
accumulée le déclenche en avalanche, provoquant un crash (baissier ou haussier,
ben oui, les deux existent). Lequel ensuite s'auto-entretient et peut créer une nouvelle
bulle inverse.Même les analystes professionnels (pris comme un groupe) deviennent plus
optimistes / pessimistes après que les cours aient monté / baissé. C'est seulement
alors qu'ils ajustent leurs prévisions.Ce consensus révisé fait monter / baisser les cours de nouveau. Voilà qui conduit
à nouveau le gros de ces "experts" à relever / abaisser leurs anticipations de
bénéfices, etc.Souvent la raison semble être qu'un analyste tout seul (à moins qu'il ait des infos
privées tout-à-fait privilégiées) hésite à publier le premier une recommandation
allant contre le consensus actuel. Cela pour ne pas prendre le risque d'avoir des
résultats différents de ceux de ses collègues.Ben oui, s'il a tort avec tous, il sera pardonné. Mais s'il a tort tout seul, la potence
n'est pas loin.
|
Même la cupidité ou la peur peut être biaisée dans un seul sens.
On a découvert (théorie de la perspective) que l'aversion pour la perte
l'emporte
tant sur l'appât du gain que sur la simple aversion au risque.
Se refusant souvent à
admettre leurs pertes, les gens conservent des titres dont
l'évolution a été désastreuse. Ils prennent ainsi le risque qu'ils baissent encore plus.
Ce n'est que plus
tard qu'ils jettent l'éponge, quand la chute est telle que la panique
les saisit, et qu'ils se décident à vendre ...souvent au plus bas.
Cela peut aussi expliquer pourquoi la volatilité à la baisse est souvent
plus forte que
celle à la hausse.
Encore des termes chics pour dire que la panique est
plus rapidement contagieuse
(crashes...) que l'euphorie. Les gens vendent en masse tout ce
qui est encore gagnant,
pour ne pas perdre d'argent dessus, et seulement à la fin tout ce qui est perdant,
par peur que bientôt cela ne vaudra plus rien.
|
Les cours potentiels extrêmes.
Ces alternances vers le haut et le bas mènent les
cours d'un extrême à
l'autre. Cela tant pour le marché en général que pour chaque
type de titres (certains,
en oiseaux rares, ne suivent pas forcément le mouvement
d'ensemble).
Le site image boursière
tient compte de ce grand écart du danseur boursier pour
essayer d'estimer les cours potentiels de début / fin de tendance en utilisant mon
concept des "coefficients d'images" maxi / mini.
L'analyse technique (AT) est un outil
basé sur l'idée que le marché a de la
mémoire. Et que de ce fait, les cours passés, ou le momentum actuel des cours,
peut donner un idée de leur future évolution. L'AT vise à détecter si un tendance
(donc le comportement des investisseurs) va se prolonger ou se retourner.
L'AT donne certains résultats. Mais elle peut aussi décevoir car elle se
fie aux
signaux graphiques, des configurations assez souvent emmêlées (le fameux
gigotage des cours),peu claires et tardives.
L'AT est donc toujours à croiser
avec d'autres éléments de décision. En fait,
l'AT et l'estimation des cours extrêmes
se complètent assez bien ....sans pourtant
éviter toutes les surprises.
Ben oui, faut
admettre que la bourse reste aussi un jeu et qu'il ne faut pas y engager
l'argent de la cantine du petit.
Une astuce intéressante, mais pas
facile à jouer, est d'essayer de repérer les phases
d'accumulation- distribution
qui apparaissent parfois en fin de hausse ou de baisse.
C'est là que les "grosses mains" commencent à acheter où à vendre les graines
aux petits pigeons, lesquels croient encore que la tendance qui est en passe de
mourir va se prolonger, surtout si les gourous (désintéressés ?) continuent à l'affirmer.
Voir les autres éléments qui entrent dans l'analyse comportementale
Publié 10/ 2000 sur les sites :
p. greenfinch [synthèse:
fin. comp.][ch.1][ch.2]
[analyse boursiere et financiere]
et
Zonebourse, rubrique Analyse Comportementale
Dern. mise à jour cette page
26/11/14
|
|